Dans notre monde, nous parlons souvent de justice. Justice des Hommes, des états, cour de justice et même justice divine. Mais laissez moi vous raconter d’où nous vient ce mot, cette notion, cette valeur.
Il y a bien longtemps, un peuple qui aujourd’hui n’a plus de nom, de lieu ni même de date d’existence, un peuple oublié, vénérait, parmi ses nombreux dieux, la déesse Justice. Justice était princesse chez les dieux. Fille de Suprême, le roi des dieux, elle avait un frère et une sœur, Courage et Noblesse. Justice était belle, jeune et, même s’il lui était arrivé de sévir, de tuer même quelques fois, elle avait encore le cœur pur. Elle venait d’un monde où les idées, ce que nous appelons aujourd’hui les valeurs, étaient absolues et elle ne comprenait pas pourquoi le sol sur lequel elle marchait était tantôt noir, tantôt blanc. Elle n’aimait pas les zones noires. Dès qu’elle s’y trouvait, l’animal en elle se réveillait, elle brandissait son épée et prise de fureurs, donnait des coups, blessant ou tuant les âmes qui s’y trouvaient. Les zones blanches étaient, par contre, bien plus agréables. Elle y aidait les méritants et s’y plaisait bien.
De temps en temps, son épée glissant de sa main tombait, écorchant au passage quelques âmes « innocentes » et sa robe blanche se tachait d’un peu de gris, ce qui la mettait fort en gène lorsqu’elle se rendait à la cour de son père.
Justice aimait la cour Suprême. Le sol y était tout blanc et les dieux qu’elle rencontrait étaient pleins de qualités. Elle recevait souvent des compliments à propos du travail accompli (bien qu’elle ne considérait aucunement qu’elle accomplissait un quelconque travail), ou de son accoutrement. Celui-ci était assez simple : une robe blanche, de temps en temps tachetée de gris, une épée qui ne quittait pas sa main droite, une balance lui servant à peser le pour et le contre dans sa main gauche et une coiffe trônant sur sa tête. Elle n’aimait pas beaucoup sa coiffe. Elle était lourde et manquait de beauté. Justice n’avait jamais osé l’enlever, depuis ce jour où, à la nuit des temps, son père l’avait faite princesse en prononçant les mots suivants, gravés à jamais dans sa mémoire :
« Justice ton nom sera
L’épée juste tu porteras
D’une balance tu pèseras
De la guerrière, la coiffe tu ne quitteras
Avec conscience ta tâche tu accompliras. »
Ces mots restaient un mystère pour Justice. Guerrière ? Tâche ? … Mais cela faisait bien longtemps qu’elle avait cessé de se poser ces questions.
Les temps passèrent et le peuple sans nom tomba dans l’oubli. Justice continuait sa vie sans se rendre compte que les dieux changeaient. Ra et ses dieux à tête d’animaux combattirent le dieu unique d’Akhenaton, Zeus et ses semblables se battirent contre les Géants, Jupiter courtisa Vénus, au dieu de Moïse s’ajouta celui de Jésus suivi de celui de Mahomet, Allah, chacun d’eux s’accoquinant de temps en temps avec Bouddha et ses semblables.
Sans qu’elle ne se rende compte, Justice se retrouva un jour les yeux bandés. Elle ne pouvait pas voir que dans sa main gauche les livres des Hommes remplaçaient désormais la balance des dieux, que son épée se couvrait du sang coagulé des âmes tuées, que sa robe n’avait plus du blanc que le souvenir. La seule chose dont elle pouvait se rendre compte était que sa coiffe de guerrière pesait de plus en plus lourd. Justice ignorait même qu’elle avait des représentants chez les Hommes qui ne représentaient rien d’autre que leurs propres intérêts.
C’est à se demander si la justice doit vraiment être aveugle.
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jeudi 11 juin 2009
dimanche 17 mai 2009
Sept de coupe
Tes genoux enfoncés dans le roc
Tes pieds sales pleins de sel
Ta chevelure éparse et rebelle
Tes main qui supplient du toc
Alors que je suis là
Tes yeux boursouflés
Ton habit trop lourd
Tes joues rouges d'avoir trop couru
Alors que je suis là
Ton regard peureux
Devant tes monstres vieillis
L'illusion d'être heureux
Alors que ton îlot est tout petit
Alors que je suis là, si tu veux bien
Je suis la force que tu penses ne pas avoir
Je suis l'espoir auquel tu aspires
Je suis l'amour que tu réclames
Je suis le blanc de ton gris
Le bateau sur ton chemin
Et le breuvage de ta coupe vide
Je suis Toi. Si tu veux bien
mardi 31 mars 2009
Hertiem
Consigne: Écrire à partir des tarots. Chacun apporte une interprétation personnelle des images du tarot.

Pourtant ce matin-là, rien n'avait bougé. Chaque objet, chaque meuble, chaque bloc de lumière posait de sa consternante fixité et attendait que le réveil gémisse, qu'Hertiem se réveille, se lève du lit, titube jusqu'à la salle de bain et glisse tout près de son reflet dans le miroir.

Pourtant ce matin-là, rien n'avait bougé. Chaque objet, chaque meuble, chaque bloc de lumière posait de sa consternante fixité et attendait que le réveil gémisse, qu'Hertiem se réveille, se lève du lit, titube jusqu'à la salle de bain et glisse tout près de son reflet dans le miroir.
Or ce matin-là, avant son café du matin, le réveil gémit, Hertiem se réveilla, se leva du lit, tituba jusqu'à la salle bain mais ne glissa pas tout près de son reflet dans le miroir.
Stop. Le regard se ballade. Du crâne à la nuque. De la nuque au front. Des contrées lointaines nichées dans ses rides, des babillages inaudibles dans sa barbe. Du blanc-gris de sa beau au bleu-nuit de ses yeux...Stop. Pourquoi? Pourquoi est-ce que tu ressembles à ca? Qui t'a demandé de ressembler à ca?
Le réveil sonne. La cafetière s'agite. La poubelle pue de plus belle. Hertiem ne bouge plus. Hertiem ne sait plus. Hertiem a-t-il jamais su?
L'ampoule a explosé. Le réveil hurle.
Aller Hertiem. Lève le bras...nettoie ta couronne d'ivoire jaune. Après tu te cureras les oreilles avec ces cotton-tiges achetés au supermarché à 3$40. Après tu enfileras tes pentouffles d'hôtel. Après tu avanceras jusqu'à la cuisine. Après tu avaleras. Tu avaleras encore. Tu avaleras tout. Compris? Et puis après...bien après tout ca, ca ira.
Mais Hertiem, ce matin-là, ne bougea pas. Avait-il rejoint la consternante fixité de ses meubles? Ou commencait-il tout juste à sentir son coeur bouger?
vendredi 20 mars 2009
Vincent Moroni
Consigne: Écrire à partir des tarots. Chacun apporte une interprétation personnelle des images du tarot.

Je suis malade.
Grippe.
39 de fièvre depuis trois jours.
Collé au lit, vu que je n'arrive pas vraiment à me lever.
J'alterne bouquins, tisanes, ordinateur portable en équilibre sur les genoux, Panadols et télévision.
La télé, National Geographic. Un spécial weekend sur la renaissance et l'Art Italien.
Je somnolais à moitié devant une représentation du Christ en croix sur une montagne. Bizarre. Je n'avais jamais vu cette oeuvre. J'avais beau fouiller dans ma mémoire d'historien de l'art. Rien. Aucun souvenir ne surgissait. Aucune représentation de Christ-crucifié-mais-sans-croix-sur-une-montagne-en-apesanteur. Le documentaire précisait que c'était une découverte récente attribuée au peintre florentin Masaccio.
Je me redressais sur mes coussins. Masaccio avait une vingtaine d'oeuvres à son actif. Il avait vécu 27 ans en tout et pour tout. Je ne voyais pas du tout quand est-ce qu'il aurait pu, durant sa courte existence, peindre cette chose qui contredisait la plupart des caractéristiques de son art.
Bizarre. Le documentaire interviewait un certain Vincent Moroni, un collègue américain réputé pour ses théories farfelues, rejetées par trois centres de recherche en art et histoire de l'art et des civilisations aux Etats-Unis. Ils avaient apparemment omis cette précision dans le documentaire.
-"Il se recycle en science de la connerie et de la recherche en désinformation" pensai-je.
J'étais outré par l'aplomb qu'il y mettait. S'attribuer une "unique discovery that will change our perception over the art of the 15th century". Décidément ces américains, ils sont fort en phrasé dramatique.
J'étais choqué par la diffusion d'une émission pareille! Non mais, ça va pas! Je ne m'expliquais pas comment est-ce qu'une chaîne télévisée, à la ligne éditoriale réputée pour sa qualité, pouvait diffuser une merde pareille!
Moroni parlait avec emphase de "dreamt vision of the crucifixion". Il prétendait détenir le panneau central d'un triptyque en émail peint. Le documentaire montrait des réflectographies infrarouges de la pièce, des gros plans sur certaines taches sombres qui, soit-disant, dataient de 1425. Le tout n'avait rien de l'émail peint, n'avait rien d'un triptyque et rien d'une oeuvre datant du 15ème siècle ! Hallucinant. Personne n'avait-il vérifié ses dires avant de lui consacrer un documentaire qui m'avait tout l'air d'un spoof très bien fait?
Eberlué, les yeux en soucoupe, je voyais défiler un résumé de la vie et de l'oeuvre de Masaccio, joué par de mauvais acteurs, habillés de fausses références vestimentaires d'époque, le tout ponctué de commentaires à la noix: "amazing", "unforeseen", "revolutionary", ou bien encore "greatest discovery of our time".
Ridicule.

Je suis malade.
Grippe.
39 de fièvre depuis trois jours.
Collé au lit, vu que je n'arrive pas vraiment à me lever.
J'alterne bouquins, tisanes, ordinateur portable en équilibre sur les genoux, Panadols et télévision.
La télé, National Geographic. Un spécial weekend sur la renaissance et l'Art Italien.
Je somnolais à moitié devant une représentation du Christ en croix sur une montagne. Bizarre. Je n'avais jamais vu cette oeuvre. J'avais beau fouiller dans ma mémoire d'historien de l'art. Rien. Aucun souvenir ne surgissait. Aucune représentation de Christ-crucifié-mais-sans-croix-sur-une-montagne-en-apesanteur. Le documentaire précisait que c'était une découverte récente attribuée au peintre florentin Masaccio.
Je me redressais sur mes coussins. Masaccio avait une vingtaine d'oeuvres à son actif. Il avait vécu 27 ans en tout et pour tout. Je ne voyais pas du tout quand est-ce qu'il aurait pu, durant sa courte existence, peindre cette chose qui contredisait la plupart des caractéristiques de son art.
Bizarre. Le documentaire interviewait un certain Vincent Moroni, un collègue américain réputé pour ses théories farfelues, rejetées par trois centres de recherche en art et histoire de l'art et des civilisations aux Etats-Unis. Ils avaient apparemment omis cette précision dans le documentaire.
-"Il se recycle en science de la connerie et de la recherche en désinformation" pensai-je.
J'étais outré par l'aplomb qu'il y mettait. S'attribuer une "unique discovery that will change our perception over the art of the 15th century". Décidément ces américains, ils sont fort en phrasé dramatique.
J'étais choqué par la diffusion d'une émission pareille! Non mais, ça va pas! Je ne m'expliquais pas comment est-ce qu'une chaîne télévisée, à la ligne éditoriale réputée pour sa qualité, pouvait diffuser une merde pareille!
Moroni parlait avec emphase de "dreamt vision of the crucifixion". Il prétendait détenir le panneau central d'un triptyque en émail peint. Le documentaire montrait des réflectographies infrarouges de la pièce, des gros plans sur certaines taches sombres qui, soit-disant, dataient de 1425. Le tout n'avait rien de l'émail peint, n'avait rien d'un triptyque et rien d'une oeuvre datant du 15ème siècle ! Hallucinant. Personne n'avait-il vérifié ses dires avant de lui consacrer un documentaire qui m'avait tout l'air d'un spoof très bien fait?
Eberlué, les yeux en soucoupe, je voyais défiler un résumé de la vie et de l'oeuvre de Masaccio, joué par de mauvais acteurs, habillés de fausses références vestimentaires d'époque, le tout ponctué de commentaires à la noix: "amazing", "unforeseen", "revolutionary", ou bien encore "greatest discovery of our time".
Ridicule.
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