jeudi 2 juillet 2009

Rien ne manque

«Je suis jeune riche et cultivé et je suis malheureux névrosé et seul »
Je ne comprends pas, à l’avis général, il ne me manque rien.
J’ai 30ans un physique passable mais que mon sens précis de l’élégance rehausse agréablement.
Mes parents ont refait leur vie chacun de son côté et pour compenser leur absences, ils se sont exercés à alimenter mes comptes bancaires.
L’unique conseil qu’ils s’étaient entendus de me donner communément est cette phrase qui revient comme un leitmotiv que ça soit par la voix grave de mon père ou par celle fluette de ma mère « la culture est ce qui reste quand on a tout perdu »
Sans le savoir ils m’ont inculqué une hantise de la faillite, de la ruine, de la déchéance.
Alors pour surmonter ma phobie, j’ai prolongé mes études tant et si bien que je suis déjà agrégé de philosophie. J’ai même dans mon obsession de l’appropriation, une collection de diamants ramenés de mes voyages archéologiques en Afrique… Je me dis que les pierres précieuses sont des valeurs sûres plus sûres que la monnaie qui, elle risque d’être dévaluée… Alors j’emmagasine quelques carats cachés dans un coffre que je cèderai probablement à mes enfants…enfin si j’en ai.
Cela peut vous sembler « métro sexuel » … le terme est à la mode dernièrement parait-il… mais dans ma salle de bains j’ai fait installer une vitrine où j’expose ma panoplie de flacons de parfums. L’idée qu’un beau coffret renferme une senteur agréable me fascine...J’aime cette mise en abyme du beau, de l’esthétique, cet effort d’embellir et la forme et l’essence.
Enfin, tout a commencé quand Estelle en quittant a laissé « trésor »…Ce parfum …Son parfum témoin de notre bonheur et notre amour et enfin de son départ… Alors pour ne pas laisser « trésor » l’âme en peine j’y ai ajouté Boucheron et Lalique.
J’admets que tout cela peut paraître original…à fortiori de la part d’un homme mais il faut bien que j’ai un faible pour quelque chose à défaut de l’avoir pour quelqu’un…
Quelqu’un …quelqu’un comme Estelle…Estelle l’ex femme de ma vie.
Le divorce de mes parents au lieu d’anéantir toutes mes conceptions au sujet de l’engagement n’a fait que les renforcer et, alors, au bout de deux ans de relation passionnelle avec Estelle, je m’accroupis, la bague à la main, le poids sur le genou, les yeux suppliants…Je voulais que l’on s’unisse par les liens sacrés du mariage. Mais à ma demande, elle a répondu par l’autre terme à la mode, le PACS.
Estelle pouvait se montrer très romantique, en effet. J’ai refusé le fameux PACS et elle partie.
Alors, me voilà, seul avec mes objets, mes manies de vieux garçon. Sur ma tête, la couronne de l’homme blasé, couronne si lourde que dans ma solitude j’ai souvent la migraine.
Il est loin le temps de la fraicheur des sorties en été, lorsqu’Estelle dansait sur des rythmes légers, ou le calme des journées en montagne à regarder l’étendue de neige par la fenêtre dans la chaleur humide de la cheminée. Aujourd’hui j’étouffe sous l’air conditionné, j’ai soif devant mes bouteilles de single malt.
J’ai envie de partir dans un autodafé emportant avec moi mes diamants africains, mes flacons périmés et mes costumes signés.

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